Jens Südekum alerte sur l’urgence d’un sursaut industriel allemand dans les semi-conducteurs
Alors que la pénurie mondiale de semi-conducteurs menace de nouveau les chaînes de production, notamment dans le secteur automobile, l’économiste Jens Südekum tire la sonnette d’alarme. Conseiller du ministre fédéral des Finances Lars Klingbeil (SPD), il plaide pour un renforcement massif de la production nationale de semi-conducteurs. « Il faut encore plus d’investissements pour renforcer la résilience », a-t-il affirmé à Reuters.
Selon lui, cette initiative doit d’abord venir des entreprises, mais l’État ne peut rester en retrait : les pouvoirs publics doivent créer un cadre politique et financier propice au rétablissement de la souveraineté industrielle dans le domaine électronique.
Un retour stratégique à la production de haute technologie
Pour Südekum, l’avenir industriel de l’Allemagne ne réside pas dans la fabrication de composants de base, mais dans la conception de puces de pointe. Il préconise de concentrer les ressources sur les semi-conducteurs de très haute qualité, capables de répondre aux besoins cruciaux de secteurs comme l’intelligence artificielle, la robotique ou les véhicules autonomes.
L’enjeu dépasse la simple compétitivité économique : il s’agit, selon lui, de doter l’Europe de capacités technologiques stratégiques dans un contexte géopolitique tendu où États-Unis et Chine se disputent la maîtrise du silicium.
Le précédent d’Intel et la leçon des subventions
Südekum n’élude pas les obstacles. L’échec du projet d’usine Intel à Magdebourg, malgré des milliards d’euros d’aides publiques, illustre les difficulté structurelles de l’industrie allemande : coûts énergétiques élevés, lourdeurs administratives, manque de main-d’œuvre qualifiée.
Cependant, cet épisode ne doit pas décourager les efforts. Au contraire, il souligne la nécessité d’adapter le modèle de subvention pour soutenir une production locale durable et intégrée dans des chaînes de valeur européennes.
Chaînes d’approvisionnement fragilisées et dépendance persistante
Depuis la pandémie de Covid-19, de nombreuses entreprises ont tenté de diversifier leurs chaînes d’approvisionnement. Mais pour Südekum, la dépendance vis-à-vis de la Chine demeure « beaucoup trop forte ». Les tensions autour du fabricant de semi-conducteurs néerlandais Nexperia, propriété d’un groupe chinois, en sont la preuve : il risque d’être pris au piège du bras de fer commercial entre Pékin et Washington.
Cette situation menace directement les constructeurs européens comme Volkswagen, qui redoutent des interruptions de production faute de puces pour leurs contrôleurs électroniques.
L’Europe appelée à une souveraineté technologique
Les mises en garde se multiplient : l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) et la Fédération de l’industrie automobile allemande appellent elles aussi les gouvernements à agir rapidement.
Pour Südekum, investir massivement dans la recherche, la production et les infrastructures technologiques des semi-conducteurs n’est plus une option : c’est une condition de survie industrielle et un levier pour préserver l’indépendance stratégique de l’Europe face aux grandes puissances technologiques mondiales.


