La Maison Blanche souhaite étendre ses investissements dans les semi-conducteurs américains
La Maison Blanche laisse entrevoir une nouvelle étape dans sa politique industrielle : après avoir soutenu Intel via une prise de participation directe, le gouvernement fédéral pourrait investir dans d’autres entreprises américaines du secteur des semi-conducteurs, rapporte Reuters. Kevin Hassett, conseiller économique de la présidence, a confirmé lors d’une interview à CNBC que cette démarche, bien que liée à la situation « très particulière » d’Intel et aux financements massifs du CHIPS Act, pourrait à terme s’élargir à d’autres sociétés clés de la filière électronique.
L’investissement récent dans Intel symbolise un tournant : au-delà des subventions traditionnelles, l’État fédéral choisit d’entrer directement au capital d’un acteur privé stratégique. Cette décision vise à sécuriser les capacités de production nationale face à la montée en puissance asiatique, notamment taïwanaise et sud-coréenne, et aux tensions commerciales avec la Chine. Elle traduit aussi une volonté de renforcer l’autonomie américaine dans un secteur où la dépendance internationale expose gravement l’économie et la sécurité nationale.
Vers un fonds souverain technologique américain ?
Hassett a rappelé que l’idée d’un fonds souverain américain avait été plusieurs fois évoquée par Donald Trump, dès la campagne présidentielle. Une telle structure permettrait aux États-Unis d’investir de manière pérenne dans leurs industries critiques, à l’image de ce que font déjà la Norvège, Singapour ou certains pays du Golfe.
Dans ce schéma, le secteur des semi-conducteurs, moteurs de l’intelligence artificielle, de la défense, des télécommunications et de l’automobile, constituerait le cœur de cible.
AMD, TSMC et d’autres acteurs dans le viseur
Si aucun projet concret n’a encore été annoncé, les noms de AMD ou encore de TSMC (présent aux États-Unis via ses usines en Arizona) circulent déjà comme éventuelles prochaines étapes. Ces entreprises, bénéficiaires ou candidates aux aides du CHIPS Act, jouent un rôle central dans l’évolution technologique mondiale.
Les États-Unis pourraient chercher, par de tels investissements, à verrouiller leur accès à des puces avancées pour l’intelligence artificielle, le calcul haute performance et les technologies 5G/6G.
Une pratique inhabituelle qui suscite des inquiétudes
Cette politique d’interventions directes n’est pas sans critiques. Certains observateurs y voient une étatisation progressive des champions privés et mettent en garde contre le risque de distorsion de concurrence ou de dépendance accrue des entreprises vis-à-vis de Washington. L’expérience récente montre déjà une multiplication des opérations atypiques : autorisation de vente des puces Nvidia H20 en Chine, prise de contrôle partiel du producteur de terres rares MP Materials, ou encore acquisition par l’État d’une « action dorée » dans le dossier U.S. Steel.
Au-delà des considérations financières, l’enjeu est clair : les semi-conducteurs sont désormais traités comme un actif stratégique au même titre que l’énergie ou la défense. Investir directement dans les entreprises du secteur signifie pour la Maison Blanche maintenir non seulement la compétitivité industrielle américaine, mais aussi sa capacité d’action technologique dans un monde où la suprématie numérique est au cœur de la rivalité entre grandes puissances.


