
Semi-conducteurs sous surveillance : Les Etats-Unis géocalisent les exportations de puces IA
La rivalité sino-américaine atteint un nouveau palier dans le domaine des semi-conducteurs. Selon Reuters, les autorités américaines ont adopté une stratégie inédite dans la lutte contre la contrebande de puces d’intelligence artificielle vers des pays soumis à restrictions, dont la Chine : l’intégration discrète de traceurs électroniques dans certaines expéditions ciblées de matériels informatiques, notamment des serveurs IA équipés de processeurs Nvidia ou AMD.
Ces dispositifs de géolocalisation, semblables à de petits capteurs GPS, sont dissimulés dans les emballages des serveurs ou intégrés directement dans les composants électroniques. Leur placement intervient avant ou au cours du transport, à l’insu parfois des fabricants ou des revendeurs. Dans certains cas, des traceurs de la taille d’un smartphone ont été retrouvés à l’intérieur des serveurs Dell et Super Micro destinés au marché asiatique. Les traceurs offrent aux forces de l’ordre la possibilité de suivre en temps réel la trajectoire de ces puces ultrasensibles et de détecter toute tentative de détournement vers des destinations sous embargo.
Une arme juridique et technologique
Contrairement à une surveillance généralisée, l’usage de traceurs concerne uniquement des expéditions désignées à haut risque dans le cadre d’enquêtes ciblées. Ils permettent aux enquêteurs américains de constituer des dossiers solides contre les réseaux de contrebande et les opérateurs profitant des violations des contrôles à l’exportation. Les informations recueillies peuvent être intégrées à des procédures pénales ou administratives et servir de preuves.
Une technologie de traçage en mutation
La géolocalisation dans les produits soumis à restrictions, comme les pièces d’avion ou les puces IA, n’est pas nouvelle. Mais sous la pression croissante des autorités américaines, la technologie s’invite désormais directement au cœur des semi-conducteurs.
Selon le plan d’action technologique dévoilé en 2025, Washington travaille avec les fabricants pour intégrer nativement des capacités de vérification de localisation et de traçabilité avancée dans les processeurs IA de prochaine génération. Objectif : rendre plus difficile le contournement des embargos et surveiller même les modèles modifiés spécialement pour le marché chinois.
Restrictions américaines et réactions chinoises
Depuis le "Chips Act" de 2022 et les restrictions renforcées d’octobre 2022, la vente de puces ultra-performantes vers la Chine est strictement contrôlée, chaque exportation nécessitant parfois une licence spécifique. Les autorités chinoises dénoncent ces mesures, pointant un risque de « portes dérobées » et une volonté américaine de freiner l’essor technologique du pays. Les acteurs du marché asiatique sont désormais vigilants face à la présence de traceurs, inspectant systématiquement les serveurs importés à la recherche d’appareils suspects.
La traçabilité technologique, via traceurs externes ou internes, s’annonce désormais comme un outil incontournable pour contrôler l’accès aux puces d’IA de dernière génération, protéger l’innovation américaine et limiter les transferts indésirables. Dans ce contexte, la frontière entre sécurité nationale et espionnage industriel ne cesse de s’affiner, alors même que la Chine multiplie ses contre-mesures sur les composants stratégiques.