Révolution dans les semi-conducteurs : Une puce vingt fois plus rapide et mille fois plus petite
Des chercheurs de l’Université Laval, au Québec, ont mis au point une puce optique capable de transmettre de l’information près de vingt fois plus rapidement que les meilleures puces actuelles, rapporte La Tribune. Cette puce ne se limite pas à la vitesse : elle occupe un volume mille fois inférieur à celui des solutions actuelles et offre aussi des perspectives inédites pour l’industrie des semi-conducteurs et datacenters à l’ère de l’intelligence artificielle.
Dans l’écosystème des centres de données, où des dizaines de milliers de processeurs travaillent en parallèle, la vitesse de transfert de l’information devient primordiale. Selon Wei Shi, professeur à l’Université Laval, « Les centres de données d’intelligence artificielle (IA) consomment désormais 2 à 3 % de l’électricité mondiale. » Face à l’explosion des volumes de données et à la complexité croissante des modèles d’IA, l’enjeu est aussi celui de l’efficacité énergétique. La nouvelle puce de l’équipe du Centre d’optique, photonique et laser (COPL) atteint des records : un débit de 1,000 Gb/s, contre 56 Gb/s pour les meilleures concurrentes. En d’autres termes, elle permet de transférer l’équivalent de 100 millions de livres en moins de sept minutes, pour seulement quatre joules d’énergie, à peine de quoi chauffer un millilitre d’eau d’un degré Celsius, selon le doctorant et premier auteur de l’étude, Alireza Geravand.
Photons contre électrons : l’essor des puces optiques
Contrairement à l’électronique classique qui utilise des électrons, les nouvelles générations de puces exploitent les photons, c’est-à-dire la lumière, pour transmettre l’information. Les signaux lumineux, plus rapides et capables de transporter de plus grandes quantités de données, avaient toutefois jusqu’ici un inconvénient : la taille des modulateurs, ces composants convertissant l’information électrique en signal optique, freinait la progression des performances.
Une architecture double : amplitude et phase pour booster la bande passante
Le modulateur Laval adopte une stratégie inédite. Alors que les modulateurs traditionnels ajustent l’intensité lumineuse (comme une lampe que l’on éteint ou allume, sur le mode du code Morse), les chercheurs québécois manipulent aussi la phase de la lumière, c’est-à-dire la position de l’onde dans sa propagation. Cette double modulation augmente considérablement le volume de données transférables par seconde, au-delà du simple doublement attendu.
L’idée n’est pas totalement nouvelle : des technologies équivalentes existent pour les liens longue distance entre centres de données, mais l’équipe de l’Université Laval parvient ici à miniaturiser et à intégrer ce principe avec des performances sans précédent.
Les défis d’intégration et de fiabilité restent à relever
Déployer ces puces dans des environnements réels n’est pas sans complexité. Les systèmes optiques de ce type nécessitent des composants complémentaires coûteux en énergie, notamment pour la lecture de la phase du signal et sa reconversion en électricité. Corriger les erreurs de transmission, plus fréquentes qu’avec certains modulateurs classiques, demande aussi des traitements qui grèvent l’efficacité globale.
Mais l’efficacité et la miniaturisation atteintes constituent déjà un saut majeur pour la discipline, selon les spécialistes interrogés par La Tribune.
Photonique québécoise : une expertise stratégique sous-financée
Ce succès n’est pas un hasard au Québec. L’excellence des équipes en photonique rivalise avec celle des meilleures universités mondiales, à des coûts moindres. Pourtant, la discipline pâtit encore d’un soutien politique moindre que l’intelligence artificielle. Les chercheurs plaident pour une reconnaissance à la hauteur de leur contribution. « On développe les composantes nécessaires pour l’IA, pourquoi ne pas nous inclure aussi ? » interroge Odile Liboiron-Ladouceur, professeure à McGill.
L’avenir semble prometteur, et Wei Shi est convaincu que le Québec peut jouer un rôle central dans cette transformation : « La prochaine révolution technologique viendra probablement du monde de la photonique ».
À l’heure où l’empreinte énergétique et la miniaturisation sont des priorités absolues pour le secteur des semi-conducteurs, cette nouvelle puce optique québécoise incarne une avancée dont l’impact pourrait être mondial.