
Semi-conducteurs sur mesure pour le LHC du CERN
Implanté dans un tunnel circulaire de 27 km sous la frontière franco-suisse, le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN soumet ses équipements à des conditions d’intensité inégalée. Lors des collisions de particules générées à une vitesse proche de celle de la lumière, l'environnement produit d’immenses volumes de données et expose toute l’électronique à des radiations susceptibles de perturber ou de détruire les circuits et la logique des semi-conducteurs. Les composants électroniques standards ne survivent pas dans ces conditions extrêmes, et le marché restreint des circuits résistants aux rayonnements n’attire généralement pas les industriels, rendant indispensable une approche sur mesure. Comme le souligne eCinews, cette réalité impose aux ingénieurs des choix technologiques très spécifiques pour assurer la durabilité des systèmes embarqués.
L’industrie ne pouvant pas répondre au besoin spécifique, c’est la communauté scientifique qui a pris le relais. Comme l’explique Peter Kinget, professeur à Columbia Engineering, « L’industrie ne pouvait tout simplement pas justifier l’effort, et le monde académique a dû intervenir. » Ce défi a mené à des collaborations inédites entre ingénieurs en électronique et physiciens des particules, notamment pour doter les détecteurs du LHC de circuits capables d’opérer des années dans un environnement fortement irradié tout en garantissant une précision extrême, comme le relate également eCinews.
Concevoir des semi-conducteurs pour résister aux rayonnements
Les équipes d’ingénierie de Columbia et de l’université du Texas à Austin ont relevé ce défi en concevant des puces de silicium destinées à l’instrumentation du LHC, et validées par le CERN pour leur résistance inédite aux radiations. Ces composants sont dimensionnés et organisés de manière à minimiser les effets nocifs des particules énergétiques.
Des systèmes numériques embarqués détectent et corrigent automatiquement les erreurs causées par l’environnement, assurant la fiabilité du traitement des données. Grâce à ces innovations, les nouveaux semi-conducteurs devraient fonctionner plus d’une décennie au cœur du LHC.
Zoom sur les innovations de Columbia : ADC de déclenchement et d’acquisition
Deux puces représentent le cœur technologique de cette révolution :
- ADC de déclenchement : déjà en service, ce convertisseur analogique-numérique filtre environ un milliard de collisions chaque seconde. Il joue le rôle de gardien numérique, sélectionnant instantanément les événements scientifiques les plus prometteurs à enregistrer, et effectue un pré-tri irréalisable avec des composants du commerce.
- ADC d’acquisition de données : validé récemment, ce second semi-conducteur sera installé lors de la prochaine mise à niveau du LHC. Il numérisera très précisément les signaux issus des collisions sélectionnées, permettant aux chercheurs d’approfondir l’étude de phénomènes tels que le boson de Higgs, dont la compréhension détaillée demeure un objectif majeur pour la physique fondamentale.
Le développement de ces puces a exigé une coopération étroite entre ingénieurs et physiciens, fusionnant expertise technologique et connaissance des besoins expérimentaux. Des équipes de Columbia et de l’université du Texas à Austin ont uni leurs forces avec les laboratoires Nevis et les spécialistes du CERN pour repousser les frontières de l’électronique et de la science des semi-conducteurs.