
Semi-conducteurs sous embargo : les puces IA de Nvidia alimentent un marché clandestin chinois
Au cours des trois mois ayant suivi le durcissement des restrictions américaines sur l’exportation de puces IA, des circuits Nvidia, notamment le très recherché B200 ont été introduits clandestinement en Chine pour une valeur estimée d’au moins un milliard de dollars, selon le Financial Times. Ces composants, essentiels pour l’entraînement de l’intelligence artificielle à grande échelle et le calcul intensif, étaient censés être inaccessibles au marché chinois. Pourtant, des preuves issues de contrats de vente, de documents d’entreprise et de sources proches du dossier attestent que ces puces circulaient abondamment sur un marché noir chinois devenu florissant et sophistiqué.
La puce B200, basée sur l’architecture Blackwell, est désormais considérée comme le « standard-étalon » du marché noir. Sa pénurie a fait augmenter les prix : un rack de huit B200 se vend environ 3 à 3,5 millions de yuans (420,000 à 490,000dollars), soit 50% plus cher qu’aux États-Unis. Il ne s’agit plus de petites affaires : certains revendeurs annoncent un chiffre d’affaires de centaines de millions de dollars, avec des achats organisés dans de grandes villes technologiques telles que Guangzhou ou Hangzhou.
Contournement technologique et logistique
Face au renforcement des contrôles, la sophistication logistique des réseaux de contrebande a évolué. Les puces sont cachées dans des cargaisons étiquetées « jouets » ou « thé », voire dissimulées parmi des crustacés vivants. Les ventes de ces puces, comprenant parfois les serveurs complets, s’effectuent via des plateformes en ligne ou sur les réseaux sociaux.
La fluidité du trafic est telle que certains distributeurs garantissent une livraison en quelques semaines seulement et les annonces pour les futurs modèles, comme le B300, pullulent déjà sur la toile.
Les routes d’Asie du Sud-Est en première ligne
Les distributeurs chinois utilisent de moins en moins la voie directe : un maillage d’intermédiaires et d’entités-écrans, souvent basés en Asie du Sud-Est, partagent la chaîne logistique du trafic. Des pays comme la Malaisie et la Thaïlande sont particulièrement concernés.
Les importations de GPU avancés y ont explosé, 3,400% d’augmentation en Malaisie début 2025, poussant les autorités locales à renforcer les contrôles sur les exportations de puces IA. Pourtant, les failles persistent et la traçabilité des composants reste l’un des points faibles du dispositif.
La guerre technologique USA-Chine au cœur des enjeux électroniques
La flambée du marché gris des semi-conducteurs illustre les limites pratiques des restrictions américaines, qui cherchent à protéger la suprématie technologique tout en limitant les risques liés à la prolifération des applications militaires et stratégiques de l’IA en Chine.
Washington a modifié à plusieurs reprises ses règles d’exportation, oscillant entre le durcissement des contrôles et des allègements ponctuels, comme la récente levée du ban sur la puce H20 adaptée au marché chinois. Mais cette flexibilité réglementaire crée des opportunités pour des circuits parallèles bien organisés.
Un secteur sous tension : intégration, maintenance et fiscalité
Du point de vue électronique, installer clandestinement des processeurs B200 dans des data centers chinois pose des défis majeurs : absence de support technique, risques d’incompatibilité logicielle, absence de garantie, et difficultés de maintenance. Nvidia rappelle que l’utilisation de produits de contrebande rend les infrastructures moins efficientes et plus vulnérables.
Par ailleurs, les réparations et mises à jour de ces systèmes, réalisés par des sociétés locales, alimentent l’émergence d’une économie parallèle spécialisée, où la fiscalité est contournée ou dissimulée.