
Guerre des puces : l’IA propulse la rivalité États-Unis – Chine à l’échelle nanométrique
La « guerre des puces », telle que décrite par Radio France, met en lumière les contradictions de la stratégie américaine : en coupant les ponts avec la Chine, les États-Unis risquent de fragiliser leur propre écosystème technologique. Une bataille pour l’IA qui pourrait se retourner contre Washington.
Si les grandes rivalités géopolitiques évoquent volontiers des affrontements à grande échelle, la plus décisive du XXIe siècle se joue sur un tout autre terrain : celui de l’invisible. Ce duel à l’échelle du milliardième de mètre qui oppose les deux superpuissances mondiales – les États-Unis et la Chine – pour le contrôle stratégique d’un actif devenu aussi vital que l’énergie au siècle dernier : le semi-conducteur avancé.
C’est le cœur matériel de l’intelligence artificielle, des systèmes de défense, des télécoms, des supercalculateurs et des data centers. Et ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, le président américain Donald Trump doit prononcer un discours stratégique pour dévoiler son plan de domination dans l’IA, six mois après avoir promis de faire des États-Unis « la capitale mondiale de l’intelligence artificielle ».
Le substrat oublié du numérique : les puces et les terres rares
Comme le rappelle l’expert Chris Miller dans Le Grand Continent, le monde numérique repose sur des chaînes physiques, industrielles et minérales. Or ces chaînes passent inévitablement par la Chine, qui détient une grande partie des terres rares nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs, mais aussi par TSMC (Taïwan), le mastodonte mondial de la gravure avancée, et ASML (Pays-Bas), seul fournisseur mondial de machines EUV.
Le paradoxe est limpide : les États-Unis maîtrisent l’architecture logicielle de l’IA, mais dépendent d’un triptyque de fournisseurs étrangers pour la fabrication matérielle.
Stratégie Trump : le “découplage total”
La réponse de l’administration Trump : le découplage technologique complet avec la Chine. Objectif ? Asphyxier le développement technologique chinois en interdisant tout export de technologies critiques : puces, logiciels de conception, équipements de production.
Derrière cette politique : la volonté de préserver l’avance stratégique américaine, tout en privant Pékin de ses relais d’influence géoéconomique. Une stratégie binaire : renforcer l’un, affaiblir l’autre.
Le contre-discours de Nvidia : “récolter maintenant, déconnecter plus tard”
Mais ce projet radical ne fait pas l’unanimité. Jensen Huang, PDG emblématique de Nvidia – première entreprise au monde à dépasser les 4 000 milliards de dollars de capitalisation – alerte sur l’effet boomerang du découplage. À ses yeux, les restrictions n’ont pas ralenti la Chine, elles l’ont poussée à l’autonomie technologique. Privés d’accès aux puces NVIDIA, les ingénieurs chinois accélèrent le développement de leurs propres alternatives, dans une logique de « souveraineté de nécessité ».
Huang a même convaincu Trump de lever certaines restrictions à l’exportation sur des GPU d’IA destinés à des applications non militaires, plaidant pour un équilibre stratégique, plutôt qu’un isolement total.
Ce que propose Nvidia : coopérer pour ne pas s’effondrer
Selon Huang, la Chine est plus qu’un marché : c’est une ressource scientifique, minérale et intellectuelle essentielle. Il ne s’agit pas seulement de préserver les profits en Asie, mais de garantir l’approvisionnement global de la filière IA : ingénieurs, matériaux, talents. En se coupant de ce socle, les États-Unis risquent de se transformer, selon lui, en une « puissance rentière », déconnectée de la matière première de son hégémonie.