
La Suisse mise sur la recherche : Semi-conducteurs et innovation à la helvétique
Alors que la révolution numérique et l’intelligence artificielle bousculent les usages dans l’ensemble des secteurs industriels, la demande mondiale de semi-conducteurs explose. Ces puces électroniques, essentielles à une large gamme d’appareils, des ordinateurs aux dispositifs médicaux, en passant par l’industrie, l’énergie, l’alimentation ou les transports, voient leur marché mondial doubler de volume entre 2022 et 2030, selon l’Union européenne. Les principales analyses prévoient que l’industrie générera mille milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel à l’horizon 2030.
Nombre de grandes puissances réagissent à cette course aux puces par des plans d’investissement massifs :
- États-Unis : 53 milliards de dollars via le CHIPS Act
- Chine : 47,5 milliards de dollars
- Union européenne : 43 milliards d’euros
- Autres acteurs : Royaume-Uni, Inde, France, Arabie saoudite investissent aussi massivement dans le secteur
Un article publié par Le Courrier rapporte notamment que, contrairement à ses concurrents, Suisse ne subventionne ni directement ni indirectement ses entreprises de semi-conducteurs et s’abstient d’octroyer des allègements fiscaux ou de fournir des infrastructures publiques spécifiques au secteur.
Un modèle suisse fondé sur l’excellence académique
Le choix helvétique n’est pas la précipitation vers le rendement, mais la création d’un environnement propice à la compétitivité par la recherche.
Patrik Wermelinger, de Global Switzerland Enterprise, résume cette philosophie :
« La Suisse ne reproduira peut-être pas le modèle rapide et axé sur le profit de la Silicon Valley, mais en a-t-elle vraiment besoin ? »
Le gouvernement concentre ses efforts sur le financement de la recherche fondamentale et appliquée :
- Écoles polytechniques fédérales (EPFZ, EPFL)
- Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM)
- Institutions de pointe en microélectronique et mécatronique
Alps, symbole du modèle suisse : le levier du supercalcul
Un exemple frappant de cette approche est le supercalculateur Alps, inauguré en 2024, qui figure déjà parmi les dix ordinateurs les plus puissants au monde.
D’un coût initial de 100 millions de francs, ce bijou technologique permet aux chercheurs suisses de rester en pole position sur les questions de performance informatique et de conception de puces ultra-modernes. Alps est la base de nombreux projets structurants, pilotés par les EPF et accompagnés par l’industrie suisse.
SwissChips : réponse à la mise à l’écart européenne
Malgré l’excellence de sa recherche, la Suisse a subi, en 2021, une exclusion partielle des programmes européens de recherche à la suite de tensions diplomatiques.
Pour combler ce manque, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) a lancé SwissChips en 2024, pour un montant de 33,8 millions de francs sur trois ans. L’objectif : que la Suisse demeure à la pointe, forme de nouveaux ingénieurs et conserve son écosystème actif.
Christoph Studer, directeur de l’initiative, souligne :
« Nous avons un grand nombre de PME spécialisées dans la conception de puces qui ont besoin d’ingénieurs. Si nous cessons de faire de la recherche de pointe dans ce domaine, il deviendra difficile d’en former de nouveaux. »
Innovation suisse et coopération internationale
Les fruits de cette stratégie se manifestent par des avancées technologiques notables :
- Amplificateur optique sur puce photonique, co-développé par l’EPFL et IBM, qui augmente les performances des centres de données et superordinateurs.
- CCRAFT (spin-off du CSEM à Neuchâtel), développe une nouvelle génération de puces photoniques pour l’IA, les télécommunications et les technologies quantiques.
- Alliance entre Pibond (Finlande) et l’Institut Paul Scherrer pour mettre au point et commercialiser des matériaux lithographiques nouvelle génération, capitaux pour la production de semi-conducteurs.
Un tissu industriel dynamique et coopératif
Les entreprises suisses du secteur collaborent étroitement avec les milieux académiques.
La société Comet, fabricant d’équipements de test de matériaux semi-conducteurs, décline cette approche :
« Nous entretenons un réseau solide en Suisse et dans le monde et travaillons en étroite collaboration avec des institutions universitaires et de recherche de premier plan. »
Plutôt que de suivre la course effrénée aux subventions, la Suisse mise sur la recherche, le transfert de compétences et la coopération entre entreprises et universités. Cette stratégie positionne le pays en pôle sur la scène de la microélectronique et des technologies avancées, tout en gardant sa singularité face aux géants mondiaux.