
Conserver les fonds publics au sein de l'économie de l'UE
Dans son article précédent, Dirk Stans, associé gérant d'Eurocircuits, a présenté trois actions clés nécessaires pour renforcer l'industrie électronique européenne. Dans ce nouvel article, il approfondit la première priorité : veiller à ce que les fonds publics restent au sein de l'économie de l'UE.
Je propose de formaliser le principe « EU Origin First » dans une directive contraignante, garantissant que les fonds publics circulent de manière cohérente au sein de l'économie de l'UE. Depuis des années, la Commission européenne montre l'exemple en donnant la priorité aux produits et services ayant au moins 60 % de valeur ajoutée européenne lors de l'allocation des ressources publiques. Cette approche contribue à garantir que les fonds de l'UE, en particulier ceux provenant en partie de subventions publiques, restent au sein de notre économie. Cependant, pour maximiser son efficacité, ce principe doit passer du statut de recommandation à celui de directive juridiquement contraignante, obligeant tous les États membres à l'intégrer dans leur législation nationale.
De plus, cela doit se faire maintenant, avant le déploiement des 43 milliards d'euros alloués au Chips Act et des 800 milliards d'euros prévus dans le rapport Draghi. L'établissement d'un cadre clair apportera à notre industrie la certitude dont elle a besoin pour investir en toute confiance dans l'avenir technologique de l'Europe.
Objectifs et motivation
L'objectif principal de cette directive est de garantir que l'argent des impôts et les fonds publics de l'UE restent au sein de l'UE, afin de renforcer directement la croissance économique et les industries européennes. Conserver ces fonds au sein de l'UE contribue de manière significative à l'économie, en particulier dans des secteurs critiques tels que l'électronique. Cela devient de plus en plus urgent, car plusieurs industries clés sont confrontées à des menaces extérieures, souvent de la part d'acteurs étrangers recevant des subventions publiques importantes aux dépens des entreprises européennes.
Ce défi est particulièrement évident dans le secteur de l'électronique. Aujourd'hui, de nombreux diplômés européens en ingénierie électronique terminent leurs études sans jamais avoir travaillé avec un circuit imprimé de fabrication européenne, sans même savoir que ce type de fabrication existe au sein de l'UE. Il en va de même pour les circuits imprimés assemblés, avec pour conséquence l'émergence d'une génération de professionnels qui supposent à tort que la production électronique est un domaine exclusivement non européen.
Au cours des deux dernières décennies, cette croyance erronée s'est étendue au-delà des particuliers aux PME, érodant progressivement le marché intérieur européen. Cela va à l'encontre de l'esprit du Green Deal, car il n'est ni durable ni économiquement viable de fabriquer des PCB en dehors de l'UE et de les expédier sur 10 000 km à des prix douteux. Ces importations ne respectent souvent pas les normes environnementales, sociales et éthiques de l'UE.
En officialisant le principe « EU Origin First », nous pouvons mettre fin à cette tendance néfaste tout en favorisant une concurrence loyale pour les fabricants européens. Cela profitera également aux établissements d'enseignement, en permettant aux étudiants de travailler avec des composants fabriqués dans l'UE, et en renforçant la sensibilisation et la confiance dans les capacités industrielles de l'Europe. Cela favorisera à son tour le développement d'un marché intérieur plus fort et permettra à la prochaine génération de professionnels européens d'être directement exposée à des produits européens de haute qualité.
Lors de l’Evertiq Expo Berlin le 5 juin 2025, Dirk Stans montera sur scène pour développer les thèmes clés abordés dans cet article. Rejoignez-nous pour entendre son point de vue d'expert sur les enjeux pressants de l'industrie, les solutions potentielles et les mesures nécessaires pour renforcer la position de l'Europe dans le secteur mondial de l'électronique.
Un exemple concret : l'usine de puces Intel en Allemagne
L'usine de puces Intel prévue à Magdebourg, en Allemagne, qui devrait recevoir 8 milliards d'euros de subventions, illustre parfaitement ce cas de figure. Si le principe « EU Origin First » était déjà en vigueur, les constructeurs de machines européens pourraient entrer en concurrence pour ces investissements. Cependant, en vertu des règles actuelles, la quasi-totalité des fonds, à l'exception de la construction d'infrastructures et de quelques machines ASML, seront versés aux fournisseurs d'Intel situés en dehors de l'UE.
Bien que cette proposition puisse arriver trop tard pour ce projet spécifique, son adoption permettrait aux entreprises européennes de se positionner pour des opportunités similaires à l'avenir, renforçant ainsi la confiance et encourageant de nouveaux investissements industriels.
Faisabilité et mise en œuvre
Cette proposition est simple et rentable, et ne nécessite que de la volonté et de la détermination de la part des responsables politiques.
Jusqu'à présent, le climat politique n'était peut-être pas favorable à une telle initiative. Cependant, les événements mondiaux ont changé les perspectives, et c'est donc le bon moment pour agir. Certains pourraient prétendre que les accords de l'OMC pourraient constituer des obstacles, mais il est irréaliste de suggérer que l'OMC dicte aux États membres la manière dont ils dépensent leurs propres recettes fiscales. De plus, cela impliquerait que la tendance de longue date de la Commission européenne à privilégier les produits d'origine européenne était erronée, ce qui n'est clairement pas le cas.
Une directive contraignante permettrait de préserver l'avenir de l'industrie électronique de l'UE tout en offrant plus d'avantages à d'autres secteurs. En veillant à ce que les fonds publics restent au sein de l'UE, nous apportons un soutien essentiel aux industries européennes, permettant ainsi de poursuivre l'innovation et la croissance durable.
La disponibilité d'alternatives européennes pour les produits non européens, en particulier dans le domaine de l'électronique, vient encore justifier cette mesure. Nos étudiants et nos professionnels méritent d'avoir accès à ces ressources, de manière à favoriser un engagement plus fort avec l'industrie européenne dès le début de leur carrière.
Coûts et calendrier
Cette directive n'implique aucun coût financier direct. Au contraire, elle a le potentiel de générer des milliards d'euros de valeur économique pour l'UE. En mettant en œuvre le principe « EU Origin First », nous encourageons les industries locales, promouvons la production durable et respectons les normes éthiques alignées sur le Green Deal.
Le calendrier de mise en œuvre s'avère favorable, car les mécanismes de suivi existants pour les produits d'origine européenne sont déjà en place. Les ajustements législatifs nécessaires seraient relativement simples.
Conclusion
Formaliser le principe « EU Origin First » au sein d'une directive est une solution pratique et rentable qui soutient les objectifs économiques et environnementaux à long terme de l'Europe.
Elle renforce les normes éthiques, s'aligne sur le Green Deal et renforce le marché intérieur européen en soutenant directement les industries et l'éducation européennes.
Les avantages sont évidents et la mise en œuvre est simple.
Je suis fermement convaincu que cette proposition, comme beaucoup d'autres, est une étape logique et nécessaire qui apportera des avantages significatifs à l'UE et à ses citoyens.
Prenez cela comme vous voulez, mais à mon avis, il est grand temps d'agir. Les discussions interminables qui n'aboutissent à aucune décision ne peuvent plus durer.
Dirk Stans, associé gérant d'Eurocircuits, dirige la stratégie commerciale et marketing du groupe. Avec plus de 20 ans d'engagement actif au sein de FHI, la fédération technologique des régions néerlandophones, il a été à la fois président de la branche et de la fédération. Passionné par la fabrication technologique européenne, en particulier la production électronique, Dirk reste déterminé à renforcer l'industrie.
Lors de l’Evertiq Expo Berlin le 5 juin 2025, Dirk Stans montera sur scène pour développer les thèmes clés abordés dans cet article. Rejoignez-nous pour entendre son point de vue d'expert sur les enjeux pressants de l'industrie, les solutions potentielles et les mesures nécessaires pour renforcer la position de l'Europe dans le secteur mondial de l'électronique.